L’art dramatique dédramatise

Par Rachel Dionne, Bianca Martin et Annahita Sarré

Parmi les thérapies possibles, il existe des groupes de soutien et d’activités artistiques dont l’objectif est la réintégration sociale et la récupération des personnes aphasiques ou ayant subies un AVC. Les groupes offrent un soutien émotionnel, mais aussi un lieu pour maintenir et progresser dans les acquis issus des thérapies auprès d'orthophonistes. Il existe des groupes d’arts plastiques, de chant et aussi, de théâtre! 

L’art dramatique serait bénéfique pour les aphasiques en ce sens où il permet la réintégration sociale et un environnement propice à la récupération langagière. Il est également important sur le plan personnel, car il aide les aphasiques à reprendre confiance en eux. Enfin, sur le plan cognitif et neurologique, il est possible de postuler que le théâtre, grâce aux situations communicationnelles et interaction sociales, assure une bonne récupération pour les aphasies dites chroniques.

Qu’est-ce que le théâtre aphasique ? 

Le théâtre aphasique (TA) vise la réintégration sociale, la récupération des capacités communicationnelles et la reconsolidation de la confiance en soi des aphasiques à l’aide de l’art dramatique et du sentiment d’appartenance au groupe. 

Le TA est un organisme à but non-lucratif situé au centre-ville de Montréal au sein de l’hôpital de réadaptation Villa Médica. L’orthophoniste du complexe médical y travaille de pair avec la directrice générale et artistique du TA pour offrir des ateliers constructifs et pour introduire les personnes atteintes d’aphasie et de trouble communicationnel à l’art dramatique. Ces personnes peuvent s’intégrer aux ateliers de théâtre ou à la troupe de comédiens pendant ou après leur thérapie orthophonique. Des outils de communication sont développés dans les ateliers et dans les répétitions de la troupe par le biais du jeu théâtral. 

Il s’agit ainsi d’une continuité ludique de la réadaptation entamée par les professionnels de la santé. Effectivement, la récupération et la réhabilitation se poursuivent au cœur même du théâtre aphasique à l’aide d’ateliers visant respiration, diction, spontanéité, mémoire, expressions faciales et gestes. Ces ateliers se pratiquent en petit groupe à raison de deux heures par semaine, en moyenne. 

En plus des derniers, il est possible de s’intégrer à la troupe de théâtre aphasique qui crée, répète et présente ses pièces afin de sensibiliser la population à la réalité de l’aphasie et d’encourager les aphasiques à prendre part à des activités sociales. Les pièces sont jouées, entre autres, dans les écoles, dans les établissements de l’association des aphasies du Québec et dans les rassemblements internationaux de théâtre. 


Grâce à ses nombreuses représentations théâtrales et à son engagement au niveau provincial et international, l’approche de réadaptation par l’art dramatique du théâtre aphasique commence à s’établir dans d’autres organismes aphasiques. Plusieurs articles de presse se retrouvent sur leur site internet témoignant de l’importance de cet organisme chez la communauté aphasique et de la nécessité de la visibilité pour rendre plus accessible ce type de thérapie.  

 Prendre le taureau par les cornes ! 

Le théâtre aphasique, c’est affronter le problème par le problème ! Effectivement, les défis découlant de l’aphasie et de l’AVC tels la difficulté de produire, de mémoriser ou de comprendre un énoncé, sont au centre des jeux théâtraux du théâtre et de ses ateliers. Il faut mémoriser des textes et arriver à les réciter, s’exprimer à l’aide de mimiques et de gestes, et se délier la langue avec des vire-langues du type : « papier, panier, piano ». 


Les participants aux ateliers et les comédiens de la troupe aphasique affrontent tous leur difficulté individuelle, mais surmonte leur défi en groupe. Le soutien moral offert par le groupe et la dédramatisation du problème sont deux aspects significativement essentiels à la récupération des participants qui se sentent plus en confiance et encourager à se dépasser.

Témoignages de participants à l’appui : 

« attends peu, m’a t’le dire », Jean, membre des ateliers du théâtre aphasique. 
 « J’étais mauditement content », nous dit Jean lors de l’entrevue, en nous racontant le jour où il a réussi à mémoriser et réciter son texte de 6 lignes, bien que dans le désordre, nous concède-t-il, taquin. 

Jean, aphasique depuis 7 mois, est un exemple d’entêtement et de persévérance. Il y a 7 mois, celui-ci ne faisait que grogner et étaient aux prises à des troubles mnémoniques et de production. Il arrive aujourd’hui à nous raconter son parcours qui l’a mené au théâtre aphasique. C’est à France, une autre membre des ateliers du TA qu’il doit sa participation au théâtre. 

Au cours de sa réhabilitation chez Médica, il a rencontré France avec qui il est allé voir une des pièces du TA. Il ne croyait tout simplement pas que c’était possible que les comédiens aphasiques soient capables d’emmagasiner autant de mots et de jouer cette pièce sans l’aide de souffleurs, nous avoue-t-il. Il eut un déclic en voyant la pièce, démontrant bien son caractère entêté et déterminé, caractère qui l’a assurément aidé à récupérer de son AVC; « si eux peuvent le faire, moi j’va l’faire aussi ». Il participe donc maintenant aux ateliers du théâtre aphasique et est heureux d’en faire partie. Il aspire à faire partie de la relève des comédiens. 

Le théâtre lui a permis de retrouver une partie de lui-même en réintégrant un cercle social où il jase, interagit et blagues avec des amis. Jean précise aussi que le théâtre l’a aidé à regagner confiance en lui et à retrouver l’envie de vivre, car ne pas pouvoir parler l’affectait énormément. Il s’exprime maintenant avec un large vocabulaire, et, bien qu’il cherche encore ses mots, il préfère aujourd’hui en rire plutôt que de se fâcher comme auparavant et accepte qu’on dise parfois le mot à sa place. 
« J’ai ri, mais j’ai ri », France, membre des ateliers du théâtre aphasique. 
 France, qui a initié Jean au théâtre aphasique, participe aux ateliers depuis maintenant une vingtaine d’années. Aphasique depuis 1999, cette dernière ne fait pas que du théâtre! Elle partage son temps entre ateliers d’arts dramatiques, chants et peinture. Cette dernière aime participer aux activités, car celles-ci la rendent heureuse, lui donnent un but et l’ont aidées à récupérer. 

France a amélioré sa récupération de la parole et peut désormais calmer la douleur dans membres causée par l’AVC depuis qu’elle participe aux ateliers théâtraux. Selon France, le théâtre aphasique a comme bienfait pour les participants qu’il permet de dédramatiser: rire de la situation, des erreurs et de se réjouir des progrès a un effet positif. 

De plus, le groupe ramène la confiance en soit et aide à la récupération des capacités langagières. Elle note que les ateliers sont bénéfiques en ce sens où ils travaillent la spontanéité avec, par exemple, des vires-langues. Elle-même se sent bien au sein d’un groupe de soutien qui permet d’éviter l’isolement. 

Nous retirons des entrevues que le soutien du groupe est aussi pragmatique qu’émotionnel. Dans le groupe, en plus de travailler sur la production, la mémoire et la compréhension, un lien serré se tisse, une famille se crée au sein de laquelle les participants partagent des émotions fortes et confient certains de leur problème présents ou passés.

En savoir plus

Pour en savoir plus sur le théâtre, sur sa mission et ses services ainsi que sur l’horaire des représentations théâtrales, vous pouvez consulter leur page Facebook ou leur site internet !
Page Facebook: https://www.facebook.com/theatre.aphasique.5/ 
Site internet: http://theatreaphasique.org 

Commentaires

  1. Les images sont issues du site web du théâtre aphasique. Nous les remercions de leur participation à ce projet

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